Récit
PROLOGUE : UNDER YOUR BEDLes réverbères s’éteignent sur Oxford Street. Cela fait déjà plusieurs heures que la nuit est tombée, pourtant on entend encore beaucoup de bruit au septième étage du bâtiment qui fait l’angle de la rue. Les voisins auront beau soupirer, les enfants de la famille Williams resteront aussi insupportables de longues années encore. Donald et Richard, les jumeaux responsables de ce vacarme incroyable sautillaient joyeusement sur leurs matelas respectifs en poussant des cris d’euphorie. Leur mère était déjà venue deux fois dans leur chambre en leur demandant gentiment de faire moins de bruit, mais les petits diables préfèrent faire la sourde oreille et continuer leur ramdam sans une once de culpabilité.
Excédée et à court d’arguments pour leur faire entendre raison, Marthe Williams se décide à employer son arme secrète. Elle sait bien qu’ils allaient la haïr pour ça mais les deux frères venaient d’atteindre le point de non retour. Ouvrant brusquement la porte, son air plus que mécontent eût le mérite de les faire se taire un instant. Le temps pour elle de se placer au centre de la pièce et, portant ses deux mains autour de sa bouche, se mit à parler de façon claire et bien audible.
« - Boogeyman ! Boogeyman ! Richard et Don’ ne sont pas sages ce soir ! »Les deux intéressés se glissèrent aussitôt sous leurs draps, le cœur battant. Ils fermèrent leurs yeux et plaquèrent leurs paumes contre leurs oreilles pour ne pas entendre le terrible appel que lançait leur maman à l’infâme Croque-Mitaine. Le sourire aux lèvres, la maîtresse de maison referme la porte derrière elle, heureuse de retrouver la paix dans son foyer. Hélas, ce n’était pas le cas de tout le monde ici. Les petits eux, étaient à présent recroquevillés sur eux-mêmes, recouverts de leur seule couette, la peur au creux du ventre. Pour eux, une chose était sûre : Boogeyman s’était glissé sous leur lit en profitant de la pénombre qui venait de s’installer, et n’attendait qu’un geste brusque ou un mot de leur part pour les arracher au confort de leur lit et les emmener dans son royaume des ténèbres. Heureusement pour la famille Williams, le véritable Croque Mitaine se trouvait à mille lieux d’Oxford Street et de sa belle nuit étoilée.
PARTIE 1 : MY DIRTY HEART« - Lysander ! Le dîner est prêt ! Tu peux descendre mon chéri ! » Le garçon n’eût pas à se le faire dire deux fois. Miss Lonelypop n’avait pas terminé sa phrase que son fils unique se retrouvait déjà à table armé de ses couverts attendant avec une impatience non-dissimulée qu’on lui serve son repas. Sa mère lui versa délicatement sa soupe dans son assiette creuse. Ce petit avait de l’appétit, c’était le moins qu’on pouvait dire. Elle savait bien qu’il était en pleine croissance, mais là c’était à croire qu’elle avait donné naissance à un vrai petit ogre. La dame caressa affectueusement la tignasse de sa progéniture qui lui fit en retour son plus beau sourire.
Il fallait dire que la vie n’avait pas été tendre pour ce petit bout. A sa naissance, au lieu de fées se penchant sur son berceau, il eût seulement droit à un père désespérément absent. Bien sûr, il y avait sa mère qui le chérissait du mieux qu’elle le pouvait, mais cela ne suffisait pas pour contenter le besoin grandissant d’amour de cet adorable chérubin. Même s’il ne s’en plaignait jamais, Miss Lonelypop ne comprenait que trop bien les regards envieux que son bambin lançait aux autres enfants accompagnés de leur paternel. Mais, heureusement pour elle, Lysander allait bientôt cesser de désirer un père.
Lors de son huitième printemps, le gamin allait en effet comprendre en quoi un papa pouvait être une personne abominable. Depuis les premiers jours de l’hiver, la neige ne cessait de tomber sur Candyland. L’occasion pour tous les gosses de sortir de chez eux et s’affronter lors de batailles de boules de neiges. Leurs cris endiablés avaient réussi à attiser la curiosité de Lysander. Debout devant sa fenêtre, il lorgnait avidement sur ces jeux qui paraissaient tellement amusants. S’emparant d’un épais manteau de laine, d’un bonnet et d’une écharpe de la même matière, le garçon descendit à la hâte les marches de l’escalier puis sortit en criant à sa mère qu’il sortait s’amuser dans la rue.
Celle-ci s’était métamorphosée en un véritable lieu de combat. Les garnements saisissaient à grosses poignées la poudreuse sur le sol avant de la lancer sur la tête de leurs camarades. Gagné par l’enthousiasme, Lysander souhaita aussi se jeter à corps dans cette rixe innocente mais à peine eût-il plongé une main dans la traînée blanche qu’il reçut un premier projectile en plein milieu du visage. A moitié étourdi, l’enfant ne se découragea pas le moins du monde et riposta à cette attaque en jetant à l’aveuglette une autre boule.
« - Oh ! Je m’excuse M. Bluegate ! J’ai visé comme un pied ! » dit-il penaud à sa victime malchanceuse.
Son assaut venait de rater. Il avait en effet touché le père de son ami Mavis. Gêné par sa méprise, il passa une main derrière sa tête, tandis que l’intéressé époussetait son long imperméable de toute la neige qui le recouvrait à présent. Au grand soulagement de Lysander, M. Bluegate ne semblait pas fâché le moins du monde. D’un signe de la main, il invita le garçon à s’approcher puis s’accroupit de façon à ce que leurs deux visages soient à la même hauteur.
« - Ne sois pas désolé, mon garçon. Ce n’est que de la neige, ça ne tache pas. Et puis, je suis tellement grand pour toi, que j’ai dû te paraître menaçant tout vêtu de noir. Mais si tu tiens vraiment à te faire pardonner, que dirais-tu de venir boire un chocolat bien chaud dans ma boutique. Je te laisserai même choisir quelques confiseries. Qu’en penses-tu ? »Les yeux de l’enfant se mirent à pétiller en entendant les mots « chocolat » et « confiseries ». Sans l’once d’une hésitation, il fit un oui de la tête et suivit sans broncher son interlocuteur en lui donnant la main. Depuis plusieurs années déjà, il était un client régulier du célèbre magasin de bonbons de M. Bluegate. Aucune raison de se méfier de lui à priori, c’était presque un membre de sa famille. Elégamment vêtu et entouré de cet enivrant parfum de guimauve et de caramel, personne ne saurait résister à la douceur qu’inspirait ce bon monsieur. Hélas, Lysander allait bientôt faire les frais de son innocence dont par ailleurs, le temps était compté.
*CLIC* La porte de l’enseigne Chamalaughing venait d’être refermée à clefs après le passage du propriétaire et de son jeune invité. Ce dernier déposa soigneusement son manteau sur une chaise et s’assit en attendant que son hôte lui apporte ce qu’il avait promis. Mais M. Bluegate, trop occupé à retirer sa ceinture et son pantalon, ne semblait pas prêter attention aux attentes du fils Lonelypop. Bien qu’il ne saisissait pas ce que le père de Mavis cherchait à faire, l’enfant comprit rapidement qu’il était dans son intérêt de mettre rapidement les voiles. Bondissant de son siège, il courut à toute vitesse vers l’entrée mais celle-ci avait déjà été consciencieusement verrouillée.
Lorsqu’il tenta de se retourner pour chercher une autre issue, une gifle puissante le fit tomber sur le sol. Bientôt immobilisé, le gamin se retrouva entièrement soumis aux désirs pervers de M. Bluegate. Une main habile eût vite fait de lui enlever ses habits, le laissant nu comme un ver. Lysander ferma les yeux pour oublier ces doigts sales qui se promenaient à présent sur ses fesses imberbes. Pourtant, rien n’y fit, cette affreuse sensation ne voulait pas le quitter, comme un goût écœurant qui vous reste dans la bouche. Malgré sa situation des plus humiliantes, l’enfant ne se débattait pas, ne résistait pas. Pas qu’il se complaisait dans son rôle de victime, ou pire encore, qu’il ressentait du plaisir, c’était juste qu’il savait que toute rébellion était vaine. Comment un gamin de huit ans pouvait-il l’emporter sur un homme qui se trouvait dans la force de l’âge ?
« - Aidez-moi, par pitié … Aidez-moi s’il vous plait … Ne m’abandonnez pas, je vous en prie … » réussirent péniblement à articuler ses lèvres sur un ton suppliant.
A qui s’adressait-il ? Il ne le savait pas lui-même. Mais dans des moments comme celui-ci où l’on retrouve complètement démuni, il n’y a qu’une chose vers laquelle on peut se tourner : la foi. Jusqu’au jour de sa mort, Lysander regrettera amèrement d’avoir prononcé à cet instant là cette sourde prière. S’il avait su les malheurs qu’elle entraînerait en quittant sa bouche, il aurait sans doute préféré revivre cent fois encore cette scène terrible plutôt que de la formuler.
L’homme venait de pénétrer en lui. Son sourire prédateur venait de lever le masque sur son immonde personnalité. Mais l’attention de l’enfant quant à elle, était entièrement concentrée sur cette étrange fumée noire qui se dégageait du plafond. M. Bluegate n’avait pas l’air de l’avoir remarqué et continuait son infecte besogne. L’inquiétante brume se rapprocha de plus en plus rapidement du fils Lonelypop, comme si elle avait été rythmée sur des coups de reins effrénés du père de Mavis. Quand celui-ci se libéra à l’intérieur de l’enfant, le curieux phénomène s’insuffla dans les narines du garçon le faisant se convulser dans tous les sens. Surpris, M. Bluegate se dégagea et s’éloigna, craignant d’y être allé trop fort pour le coup. Quand le corps de Lysander cessa sa furieuse agitation, l’homme se rapprocha à moitié rassuré. Presque inquiet, il tenta de poser sa main sur le front du petit quand elle lui fut soudainement arrachée. Etonné les premières secondes qui suivirent, ses yeux se fixèrent à son moignon sanglant puis, la douleur lui arracha ensuite un terrible hurlement. Ce dernier fut de courte durée car bientôt le corps entier du propriétaire de Chamalaughing eût disparu.
*CROK CROK CROK*PARTIE 2 : I’M A MONSTER« - Rends-toi Boogeyman ! Tu es fais comme un rat ! »C’est vrai que pour le coup, il était mal barré. Lysander était cerné par une dizaine de Traqueurs bien décidés à enfermer pour de bon le Croque-Mitaine dans une cellule. Le garçon leva les mains en l’air, en signe de reddition. C’est ainsi que se termina la longue cavalcade d’un criminel malgré lui. Mais revenons en arrière si vous le voulez bien afin d’éclairer votre lanterne.
¤ Après les évènements de la boutique Chamalaughing, l’enfant quitta Candyland et partit se réfugier à Wonderland où sa mère n’irait certainement pas le chercher. Il comprit rapidement qu’une créature s’était infiltrée en lui et que c’était cette dernière qui avait assassiné M. Bluegate. Bien qu’il ignorait le pourquoi du comment, Lysander était au moins sûr d’une chose, il fallait absolument trouver un moyen pour lui de se débarrasser de ce monstrueux parasite. Hélas, ce dernier semblait se complaire dans sa nouvelle demeure et n’avait pas l’air de vouloir un jour en sortir.
Bien vite, l’enfant en apprit davantage sur l’intrus qui se cachait dans son corps. Ce dernier baptisé Mist par Lysander semblait réagir chaque fois que son maître était en proie à une émotion soudaine. Qu’il s’agisse de la surprise, d’une peur vive ou d’une vague de désir, la créature se mettait alors à attaquer la personne à l’origine de ce changement d’humeur. Comme on peut se l’imaginer la liste des victimes s’allongea très rapidement, si bien que le garçon fut bientôt surnommé Boogeyman.
Celui-ci cherchant à échapper au génie sanglant responsable de sa situation, prit l’habitude de se cacher sous les lits des enfants comme s’il espérait y trouver son innocence d’autrefois. Hélas, chaque fois qu’on reconnaît le terrible Boogeyman, c’est la panique dans la maison. Submergé par une terrible angoisse, Lysander ne peut plus contenir Mist qui se fait un plaisir de dévorer tout le monde. C’est lors d’une de ces nuits-ci que les traqueurs prennent en chasse le fils Lonelypop et l’arrêtent pour de bon.
¤Quand son procès arrive, Boogeyman ne mentionnera pas l’existence de cette créature invisible qui s’est réfugiée en lui, préférant assumer seul tous les crimes commis. Peut-être craignait-il de voir Mist se réveiller en plein milieu du tribunal et dévorer toutes les personnes présentes ? Ou bien, avait-il choisi de ne pas se défiler considérant les crimes commis comme son propre fardeau ? Il était vrai que, lui-même n’avait tué personne, pourtant, s’il n’avait pas demandé l’aide de ce monstre il y avait plusieurs années de cela, rien de tout ça ne serait jamais arrivé. Lorsque la sentence tomba, il ne dit rien et marcha silencieusement jusqu’à sa cellule.
Plusieurs siècles plus tard, Lysander pût enfin retrouver l’air libre. Profitant de l’évasion de Big Bad Wolf, Boogeyman rejoint les rangs de ses fidèles et devient sous-lieutenant de la première escouade, sous le commandement de Jack O’Lantern. Pas vraiment à l’aise dans son rôle de méchant, il essaie de prendre sur lui car seuls ses nouveaux compagnons ne le considèrent pas comme un monstre.
(Je ne suis pas fier de ma seconde partie, j'ai un peu bâclé ne voulant pas non plus m'éterniser sur une fiche. ><)
