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[Distorsion] Petite monographie réaliste - PV Renatta.

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MessageSujet: [Distorsion] Petite monographie réaliste - PV Renatta. [Distorsion] Petite monographie réaliste - PV Renatta. EmptyMar 3 Aoû - 18:22


Oubliés, les rendez-vous, effacées pour un temps les obligations ! Jean de Fréneuse avait, en cette nuit, rencontré un personnage qui éclipsait, par son mystère, tout ce à quoi il aurait dû penser … C’est que sous ses dehors légers, le jeune homme avait encore quelques engagements qu’il se devait tenir – et pour lesquels la fuite ne constituait pas une solution valable. Il avait maintenant vingt-cinq ans – on considérait encore qu’il avait du temps, mais … L’heure était venue de songer aux alliances possibles et d’assurer un avenir en ces temps de tempête. M. et Mme de Fréneuse avaient ainsi construit un projet de mariage, avec l’accord tacite de deux intéressés pas intéressés du tout. Chose étrange ! La promise avait … Disparu. Un soir qu’on l’attendait à table, elle ne vint pas. On la fit appeler, les domestiques ne la trouvèrent pas. La porte de sa chambre s’ouvrit alors sur un lit défait, croulant sous les hardes et haridelles – belles robes qu’elle ne consentait pas à mettre et anciennes parures qu’elle ne voulait pas quitter. Et puis un mot, griffonné en toute hâte … Briséis, la jolie et blanche Briséis avait fini par fuir cet amour aveugle qu’elle avait donné, avec la toute naïveté de ses quinze ans, à Jean de Fréneuse qui n’avait su qu’en faire … Le jeune homme avait appris la nouvelle sans sourciller, pliant sous le regret désinvolte d’un impossible départ – songeant qu’il serait dommage qu’on le pensât parti pour la suivre et non courir après sa liberté. Au fond, c’était une belle excuse pour jouir encore de son petit confort de vie sans risquer le vertige des ailleurs et des villes inconnues. Jean de Fréneuse avait cependant mimé un chagrin convenable – obtenant par là quelques trêves dans les négociations. Mais il était temps d’oublier Briséis et de songer aux aléas du monde …

Il aurait dû, la veille, rencontrer celle qui devait remplir ce rôle, mais les choses étant ce qu’elles sont … Il ne voulut pas même lui faire faux bond, à cette pauvre fille, il avait juste … Croisé, en revers de fortune, un étrange visage qui lui avait semblé le sien … Il s’en était approché, sans comprendre ce qui, dans cette mélancolie en long manteau, lui avait fait penser à lui, avait fait un geste – des plus ridicules, mais un geste ! Et puis … Les choses furent ce qu’elles étaient. Il se retrouva, en pleine nuit, l’aube arrivant, à traîner dans un vieux bar, mirant son cœur dans les reflets trompeurs d’un verre … Il rentra au petit matin, la démarche mal assurée, ivre du soleil pâle et des fuites effrénées … La porte principal du manoir de Fréneuse claqua sous sa main, et sans un regard, il se mit à monter le grand escalier vide, pensant rejoindre son lit pour quelques heures …

- Jean !

Il s’arrêta en plein mouvement, tourna son regard terni d’oubliances vers Rosalinde de Fréneuse qu’il n’avait pas vue, assise dans l’ombre. Grande, dans une robe anthracite trop serrée à la taille, rang de perle suspendu au cou pour seule lumière, elle darda sur lui l’eau claire et pâle de ses yeux gris. Jean considéra sa mère, décelant dans ses rides discrètes toutes les larmes qu’elle ravalait dans sa dignité d’invisible, tous les stigmates qu’avaient apposés sur sa peau blanche le soucis et l’inquiétude d’une nuit d’attente …

- Tu n’aurais pas dû m’attendre, va donc te coucher et ne te soucie donc pas de ton fils.

Et sa prévenance avait la sécheresse des rejets. Elle ne releva pas, cependant, droite et figée dans son sublime pâle, et elle reprit, d’une voix basse et grave, comme s’il lui était trop difficile d’oser s’élever un peu, comme si esquisser le geste, appuyer du bout des doigts, sur un mot, sur une phrase, c’était trop lui demander, encore … Rosalinde était une femme qui s’effaçait doucement dans ses petits épuisements de tous les jours. Persiste et signe aurait pu être la devise de la maison …

- Je ferais bien au contraire de m’en soucier puisque lui-même oublie volontiers de le faire.

Il esquissa un geste d’humeur, dur dans ses faiblesses, égoïste dans son vertige … Tout ce qu’il voulait au fond, c’était dormir, enfin, maintenant qu’il avait fait taire les mauvais rêves et les tristes songes, puisque …

- Oh tu sais qu’on te passe plein de choses, tu as ta vie … Mais hier soir, tu étais attendu. Tu peux te piquer d’être le premier à avoir fait faux bond à une Cavallonne. Songe donc aux pirouettes et révérences que nous avons dû …

- Je me doute bien que vous … Que vous vous seriez traînés dans la boue si jamais cela avait pu rattraper mon affront. Sache que … Que j’en suis désolé et que …

Les mots lui échappèrent, et il posa une main sur la rampe d’escalier, dans les meurtrissures du beau bois sculpté, pour se donner un appui alors qu’il vacillait doucement. Sa mère était montée à son tour, grande mais bien moins que lui, et qui semblait plus fragile, dans sa rigidité de fer …

- Cela l’a rattrapé. Tu as rendez-vous avec elle dans trois heures dans un lieu neutre. Ses parents ont à ton égard une rancœur qu’il garderont sans doute toujours. Ils ont accepté par considération pour nous.

- Charmant.

L’air las, il esquissa un pas un vers la chambre, se ravisa.

- Mais pourquoi diable ce matin, si tôt … J’vais me desservir, vous le savez. Impossible de déplacer, je suppose ?

- Crois-tu qu'après hier ...

Il hocha la tête, lentement. Sa nuit blanche lui pesait à présent sur les épaules, plus insistante encore, et les vapeurs d’alcool lui tournaient la tête … Il se demanda s’il pourrait même expliquer son absence de la veille, tant les mots semblaient lui rouler hors des lèvres, lentement, paresseusement … Après un temps, il lâcha cependant, d’une voix qu’il eût voulu plus douce et qui n’était que plus trébuchante :

- J’irai.

Elle esquissa un signe de tête et ses yeux, que la tension n’éveillait plus, s’éteignirent doucement dans leur torpeur douloureuse … Elle s’éloigna, Rosalinde de Fréneuse, espérant sans doute dans son silence que les nuits de solitude et d’angoisse seraient bientôt réservées à une autre … Jean de son côté, monta ses étages, étalant dans la lueur timide du petit jour ses vieux restes de compassion. Il poussa, sans un bruit, la porte de la salle d’eau, jeta sur le sol les lambeaux restants de son petit monde. Le bruit de la douche – frisson glacé des ruissellements dans son dos – sonna le glas de ses aptitudes. Il en sortit transi, tremblant davantage, lança un regard torve à sa silhouette malhabile qu’il apercevait dans le miroir, bêtement nue, cheveux trempés, œil grisâtre. Un ricanement blessé lui échappe. Il était beau, pour l’heure, l’héritier de Fréneuse …


~ * ~

Le Salon de Thé existait-il toujours ? Il fut au lieu de rendez-vous, à l’heure, et posait devant les devantures – roide comme un pendu ! Attendait, la fraîcheur du matin lui mordant les joues, quelques minutes et puis … Foutu pour foutu ! Il entra. S’assit à une place qu’on apercevait du dehors, appela le garçon d’un geste :

- Ce que vous avez de mieux contre … Oh et puis ! Vous seriez gentil d’me servir un – oh vous savez quoi ? – un peu de bière, fond de jus de tomate avec un œuf cru.

- Mais Monsieur nous n’avons pas …

Jean haussa un sourcil et reprit sur le même ton :

- Je suis sûr que vous avez ce qu’il faut. Voyez-vous, je négocie une part de ma vie sur cette table – on me vend bien plus cher que je ne vaux, mais soit. Alors certes le raffinement est loin … Mais un peu de courage et de clarté d’esprit me f’ront pas de mal. Faites-vous plaisir sur le prix si cela vous chante, mais … Vous seriez gentil.

Le serveur sembla hésiter puis courut en cuisine. Jean saisit bientôt le verre qu’on lui apporta, le vida tout aussitôt et reporta son attention sur les rues désertes. Le salon s’éveillait à peine – quelques clients bien moins douteux que lui, et la rumeur douce des allées et venues. Il figurait là, habillé de frais – plus élégamment que la veille, une longue redingote accrochée à son côté, des gants posés sur la table. Et cherchant à ramasser son esprit en morceaux, il attendit.

Ah il était beau, pour l’heure, l’héritier de Fréneuse ... ! Il n’avait encore rien dit.
Caterpillar
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mr. tout-le-monde... ou pas !
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HUMEUR : Fumiste.
CITATION : Une dissonance placée où il faut donne du relief à l'harmonie. [Leibniz]

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MessageSujet: Re: [Distorsion] Petite monographie réaliste - PV Renatta. [Distorsion] Petite monographie réaliste - PV Renatta. EmptyDim 22 Aoû - 9:35

Plantée devant son miroir, la jeune fille soupirait. Plus les années passaient et plus il devenait pénible de se coiffer pour Renatta, et à plus forte raison au petit matin.
Sa fatigue se transforma alors rapidement en colère au souvenir de cette longue et interminable soirée passée à attendre un jeune homme qui ne vint jamais. C'était tout simplement minable de la part de ce Jean de Fréneuse de ne pas avoir supporté être venu ; elle-même n'avait guère eu envie d'aller à ce rendez-vous arrangé mais sous l'instance de son père et les larmes de sa mère, elle avait fini par céder. Ses parents - pour la convaincre - avaient même accepté ses conditions : ne le revoir que s'il l'intéressait ; pouvoir partir si l'homme était trop stupide, vulgaire, égoïste, prétentieux, etc. et ne se marier qu'avec la personne de son choix à elle.
Cela avait beau paraître évident, il lui avait pourtant fallu deux heures pour les obliger à les accepter. Tant de temps gâché, pour rien.
Pourtant la début paraissait prometteur, la maison de leur hôte était des plus modeste (un bon point selon Renatta qui détestait l'étalement de richesses), les parents de son peut-être potentiel mari était charmants même si elle déplorait leurs compliments incessants sur ses soit-disant qualités – depuis quand avait-elle un grand sens de la mode ? -. En somme, c'était une Cavallonne dans de très bonnes dispositions qu'avaient eu les de Fréneuse.
Du moins jusqu'à ce le "léger retard" de leur fils prenne une telle proportion qu'il était impossible de l'ignorer. En effet, au bout de deux heures à attendre un jeune homme dont la famille avait été (en plus !) la première à proposer cette rencontre, les parents de Renatta avaient commencé à perdre patience. Et tout le monde sait que faire perdre son temps à un Cavallonne était très très mal vu et avait généralement de désastreuses conséquences sur le ou les coupables.
Ce fut à ce moment que la jeune femme eu pitié de ces nobles, qui au fond ne pouvaient rien dire pour justifier la conduite de leur progéniture.
La suite ne fut qu'une série de courbettes de plus en plus dégradantes pour leurs hôtes au fur et à mesure que l'on devinait l'inévitable : On ne verrait pas Jean de Fréneuse ce soir.
L'héritière se souvenait encore de son père qui s'était redressé de son fauteuil, rouge de colère, et avait exigé réparation pour la honte infligée à sa fille et à leur famille. Tristia Cavallonne n'avait pas réagi mais ses lèvres pincées et son air méprisant en disait long sur ce qu'elle pensait. Rena, elle, dans sa robe meringue verte, fermait les yeux et maudissait cet homme où qu'il soit pour l'obliger à assister à une scène pareil et pour la contraindre à accepter ce que ces simples gens leurs proposaient comme solution.

Ce qu'elle fit ensuite, est encore flou dans son esprit mais le résultat était, lui, clair, elle avait de nouveau rendez-vous avec lui dans le Salon de Thé dans à peu près cinq heures.

Voilà pourquoi, à une heure aussi matinale, Renatta devait se re-préparer ou du moins faire le strict minimum, car il était hors de question de sortir dans une belle robe et d'attendre pour rien. Vêtue d'un pantalon de cuir noir, d'une tunique couleur rouge et d'une ceinture qui soulignait sa taille de guêpe, l'écrivain avait décidé de faire le moins d'effort possible pour son prétendant.
Faire attendre une fille, qui que l'on soit ou qui qu'elle soit, était un acte impardonnable. Et il était impensable qu'elle laisse passer son geste, l'honneur de toutes les femmes étaient en jeux – ou en tout cas le sien, ce qui était amplement suffisant pour castrer remettre à sa place Monsieur de Fréneuse -.
Prenant soin de sortir discrètement du manoir, la jeune fille s'arma d'un simple veste et de son sac à main et partit affronter l'ennemi.

Une heure plus tard, l'albinette n'était toujours pas arrivée au lieu du rendez-vous. A sa décharge, ce n'était pas de sa faute si elle avait rencontré dans la rue plusieurs de ses fans qui l'avaient quasiment harcelée – que dis-je - prise en otage pour avoir un autographe. Heureusement, qu'elle avait voulu prendre de l'avance et était parti beaucoup plus tôt que l'heure prévue. Cependant, même si un petit bain de foule aux premières lueurs du soleil était agréable, Rena n'était pas prête à faire attendre plus que nécessaire le jeune homme. Elle désirait peut-être se venger mais pas lui faire subir la même chose ; à votre question muette : non il n'y aurait pas «Tentacule pour tentacule et encre pour encre» !
Après un dernier au revoir, elle se dépêcha d'atteindre le Salon de Thé et fut soulagée de constater que cela ne lui avait prit que cinq minutes pour y arriver, elle ne serait pas en retard.
Si elle avait choisi cet endroit ce n'était par hasard, ici elle se sentait toujours à l'aise et c'est d'ailleurs là qu'elle écrivait la plupart de ses livres, une tasse de thé et une pâtisserie à côté d'elle.

Pourtant aujourd'hui, elle se sentait un peu effrayée d'entrer et de rencontrer le noble. C'était son premier rendez-vous depuis pas mal de temps et même si cela ne devait aboutir à rien, elle ne voulait pas non plus lui laisser un mauvais souvenir – peut-être ne devait-elle pas lui faire la morale finalement -.

Trouver Jean, Charles, Matthias, Octave (etc.) de Fréneuse s'avéra facile étant donné qu'il était le client qui ressortait le plus et surtout qu'elle n'avait jamais vu ici. Elle entra dans le Salon et sourit au serveur qui se trouvait derrière le comptoir. Ce dernier la reconnu et la salua chaleureusement de même que la plupart des clients qui connaissaient bien cette jeune fille qui venait presque tous les jours ici pour y écrire ou discuter avec eux.
Ah il était certain que si elle était devenue Epouvantrice elle n'aurait pu avoir autant de popularité.
Quoiqu'il en soit, elle se dirigea vers le blond et ne put s'empêcher d'être surprise. Il était beau ; plus que ce qu'elle avait imaginé.
Mais bon, être beau voulait souvent dire être imbue de sa personne, aussi elle poussa cette pensée dans un coin de sa tête et adressa un sourire hypocrite à l'individu.

« Jean de Fréneuse je suppose ? Renatta Cavallonne, votre rendez-vous oublié d'hier soir.

Elle s'installa sans cérémonie et commanda.

- Comme d'habitude, un thé au poivre noir et à la pomme jaune ainsi qu'une île flottante. Elle jeta un coup d'œil à l'homme. Je vous rassure, ce n'est pas ce qu'il y a de plus cher alors votre bourse devrait tenir le choc.»

C'est exact, notre amie était bien en train d'insinuer que son «compagnon» allait payer toutes ses consommations. Quoi de plus normal quand on était un tant soit peu galant.
La tasse et la pâtisserie arrivèrent rapidement, ce qui permit à Rena de cacher son léger malaise en buvant une gorgée de son thé. Jetant un coup d'œil furtif à son prétendant, elle le trouva un peu pâle et fatigué. Certainement à cause des folies qu'il a faites au lieu de venir me rencontrer, se dit-elle.

« Sinon, qu'est ce qui a bien pu retenir et empêcher quelqu'un comme vous d'assister à notre... à défaut d'autre mots, rendez-vous ? »

Le ton de sa voix n'était pas méchant, juste curieux et un peu contrarié.

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MessageSujet: Re: [Distorsion] Petite monographie réaliste - PV Renatta. [Distorsion] Petite monographie réaliste - PV Renatta. EmptyJeu 26 Aoû - 22:07


Quand l’heure fut venue et qu’il ne la vit point venir, il espéra, Fréneuse, qu’elle allait lui rendre la pareille. Affront pour affront et puis, le temps aidant … Les deux familles se croiseraient encore au pèlerinage des mondanités, se regardant en chiens de faïences - et ce serait à la première qui baisserait les yeux. Lui, peu lui importait, au fond … C’était presque le juste retour des choses, et puis … c’était surtout plus simple comme ça. Il resterait là, immobile, à tenter de repriser les chiffes, les bribes de son entendement en ruine, noyant son ennui dans le café amer et les pâtisseries grasses – jusqu’à la fermeture s’il le fallait ! Et puis … On n’en parlerait plus. Quand elle apparut, il remuait encore, d’une joie lasse, ces idées simples, esquissant presque déjà un soupir de soulagement, heureux - trop heureux ! - de n’avoir pas à s’expliquer. Alors quand il entendit son nom, quand il vit cette ombre douce face à lui, vous imaginez sa surprise … Il leva vivement les yeux vers elle, se leva d’un bond – habile réflexe d’une politesse toute apprise … - avant de la voir prendre place, sans cérémonie aucune, avec la stricte désinvolture d’une reine en ses quartiers d’été. Alors, lentement, avec le ridicule assumé des galants de seconde zone, il se rassit, à son tour, sourire amer au bord des lèvres.

- Vous présumez bien …

Elle était belle, tant que c’en était surprenant. Il la dévisagea, en silence, tandis qu’elle posait ses effets, sans daigner le regarder encore, lui laissant le temps de polir ses reproches, ou d’enfiler le masque de la vertu en colère – terrible, celui-là ! Singulièrement belle, en vérité, avec sa longue chevelure couleur de neige qu’elle devait entretenir, sagement, dans l’oisiveté malheureuse des petites poupées du monde, avec ses grands yeux clairs aux reflets diaprés, couleur de matin … Et sa peau laiteuse de femme-porcelaine. Exactement le genre Sonyeuse. Cependant, chose curieuse : cette beauté qui eût pu être si froide et se poser dans le monde avec la raideur d’une hiératique madone, consciente – tragiquement consciente ! - de son propre pouvoir … cette beauté-là s’installait en habituée modeste là où les femmes de son rang semblaient partout étrangères, et se présentait, dans la mise agréable et simple d’une créature … De tous les jours. Il baissa les yeux, vaguement amusé. Exactement le genre …

- Comme d'habitude, un thé au poivre noir et à la pomme jaune ainsi qu'une île flottante. Je vous rassure, ce n'est pas ce qu'il y a de plus cher alors votre bourse devrait tenir le choc.

Elle parla, cependant, et son sourire s’évanouit. Levant la tête, il chercha son regard, dans l’espoir d’en percer l’aimable et simple mystère. Ainsi donc … C’était là ce qu’elle imaginait de lui … ? Il la vit se dérober, un instant, derrière la fumée rassurante de sa tasse de thé qu’on lui apportait déjà. Glissa au serveur qui le considérait, avec une curiosité désagréable alors qu’il traitait la promise en familière :

- Apportez-moi un café, je vous prie.

Et puis entre fumées opaques, loin des convenances … La question vint, parce qu’elle devait bien venir. Jean la laissa fleurir, avec ses petites arabesques en contrariété, et ses reproches qu’on devine. Et il ne sut avoir la constance de ne pas en avoir honte … Au creux du cœur, une ébauche de révolte, son petit fragment d’orgueil qui se cabre …

- Vous pensez vraiment que c’est cela qui me préoccupe …

Plus que fatigué, il avait l’air las. D’un geste, il désigna l’endroit qui vivotait en ses couleurs …

- Mais prenez donc tout ce qui vous chante, si vous pensez que cela me gêne … ! Vous auriez souhaité par caprice le salon entier que je n’aurais rien dit … – vous savez que je ne suis pas en position de négocier. C’est d’autant plus absurde – pour ne pas dire insultant - que l’on vous a entretenu de l’état de ma fortune et moi du vôtre – et vous savez que nous ne sommes pas dans le besoin. Alors est-ce votre rancœur qui parle ou … Me prêtez-vous vraiment une pensée si mesquine, à votre égard … ?

Une gorgée de café brûlant, en rasades, pour premier coup de fouet. Sa voix avait trembé un peu sur les derniers mots. Ce n’était pas là de la colère, et ses mots tenaient plus, sous l’apparence de la révolte, de l’énergie du désespoir … Il se sentait épuisé avant l’heure. Il sentait, confusément, qu’il eût dû se battre pour un honneur en lambeaux dont il n’avait que faire, qu’il eût dû séduire une inconnue pâle pour gagner le simple droit de s’enchaîner à elle, pour le reste de ses jours … Ou bien plutôt, encore, qu’il eût dû s’humilier à son tour, et tendre en toute complaisance … Le bâton pour se faire battre. Mais à y bien songer, on lui avait dénié jusqu’au choix des armes : Renatta était chez elle, ici ; cela se voyait jusque dans ses gestes les plus infimes, dans la manière détachée et inattentive dont elle saisissait sa tasse, sa cuillère, dans le regard éteint par l’habitude qu’elle avait lancé au jeune homme venu les servir … Et lui, Jean de Fréneuse, n’était qu’un étranger. Un étranger qu’on vient immoler, au nom de la grâce et du savoir-vivre, pour sauver l’honneur bafoué d’une illustre héritière … Pour quoi d’autre, sinon … ! C’est d’une voix un peu rauque, couleur de courants d’air, qu’il reprit :

- Vous êtes sans doute bien mal disposée à mon encontre – et vous avez raison … Je voudrais juste savoir si …

Il délaissa la tasse, d'un geste un peu brusque. Elle vacilla sur sa soucoupe.

- Si vous accepteriez des excuses, ou s’il était même trop tard pour cela. Entendons-nous bien : s’il y a quelque chose que je puisse faire pour … Pour que vous puissiez oublier la soirée d’hier, je le ferai. Mais pour l’heure, je ne sais pas même si vous allez me croire, quand je vous dirai que ce n’était pas par mépris pour vous …

Ses mains s’étaient posées, nerveuses et blanches, sur la table vernie. Devant vous, Mademoiselle, c’est un homme à son procès, qui a renoncé aux circonstances atténuantes et voudrait juste savoir s’il trouvera autre chose que de la haine, dans le regard de celle qui l’accuse. Parce qu’alors … Et puis, foutu pour foutu, vous dis-je !

- Quant à la raison de cette absence … Précaution inutile, sans doute, mais … Si je n’ai pas assisté à ce dîner où, je suppose, vous vous êtes ennuyée comme la mort, ce n’était pas pour une bagatelle ou un léger plaisir. Cependant, sans offense aucune, j’aimerais ...

Ses yeux noirs avaient pris la couleur terne des lendemains de pluie.

- Passer cette folie sous silence ... Je doute d'ailleurs que vous … Puissiez comprendre, sans me connaître … Moi-même je …

Mais il s’arrêta. Parce qu’au fond, il tenait sa chance – terme ironique – pour perdue. A quoi bon alors présenter, docilement, ce qui lui restait de dignité ... ? Il termina ainsi son petit amendement, avec son dégoût des contraintes et des formules apprises, les paupières lourdes d'incidents mal digérés et de rêves avortés. En guise d'horizon, point de certitudes - même pas celle de sembler sincère quand on l'était vraiment - et point de lendemain.

Et ses mains sur la table, frémissantes de fatigue et d'ennui, avaient conservé leur air de papillons absurdes.

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MessageSujet: Re: [Distorsion] Petite monographie réaliste - PV Renatta. [Distorsion] Petite monographie réaliste - PV Renatta. EmptyMer 29 Juin - 19:39

Étonnée, ses minces lèvres rosées exprimant parfaitement bien sa stupéfaction, la jeune Cavallonne ne put retenir une franche exclamation de surprise. Elle ne savait même pas ce qu'il conviendrait de dire pour tenter de soulager la peine – ou plutôt la détresse - qu'elle venait visiblement de causer à son prétendant ; seul un murmure incohérent franchit la barrière de ses lèvres. Un réconfort ridicule.

« Ah... m-mais je... ne...»

Tout son visage trahissait le trouble qui l'habitait, ses propos avaient-ils vraiment été si froids qu'elle en aurait froissé l'homme sans le vouloir ? Critiquer une personne qu'elle ne connaissait pas n'était pas dans ses habitudes. Il est vrai que la soirée d'hier lui restait encore au travers de la gorge, mais Renatta ne se serait pas cru capable d'aller jusqu'à humilier Jean de Fréneuse, qui, au fond n'avait été qu'un des facteurs du fiasco du rendez-vous.
Mordillant ses lèvres nerveusement, elle hésitait à prendre la parole, son compagnon paraissait rassembler tout son courage pour s'exprimer et l'interrompre réduirait sans doute leurs chances de bien s'entendre à l'avenir.
Il y avait pourtant pas mal de choses que la jeune femme souhaitait lui dire, comme par exemple le fait que pour elle, la politesse valait sans doute plus que la fortune, que les jeunes femmes ou hommes nobles de leur époque avaient tendance à préférer garder leur argent pour eux et surtout que sa remarque tenait en réalité plus de la blague de mauvais goût qu'à la critique d'un potentiel défaut de sa part. Mais pouvait-on dire tout cela à homme qui semble aller à l'abattoir ?

Elle soupira, et passa une main pâle sur son visage. Il lui fallait à tout prix passer outre cette histoire si elle souhaitait éviter qu'ils ne restent coincer tous les deux dans un silence tendu et avec l'obligation constante de surveiller leurs paroles.

« Je vous prie de bien vouloir m'excuser. Un maigre sourire fleurit sur sa bouche. La dernière fois que j'ai été soumise à ce stupide jeu de mariages arrangés remonte à longtemps et je n'ai pas encore retrouvé le comportement adéquate que ce genre de situation nécessite.

Elle toussota assez mal à l'aise de devoir, elle, se justifier autant pour son comportement qui était apparu sec.

- Il est vrai que votre conduite à mon égard a été insultante, dit-elle d'une voix qu'elle s'efforçait de rendre posée et calme, mais sachez que pour ma part je considère qu'il n'est jamais trop tard pour des excuses en bonne et due forme reprit-elle. Toutefois, je dois vous avouer que ne pas me dire la raison de votre absence, ne joue pas en votre faveur... J'ai en horreur les cachoteries...

Quelques minutes de silence s'installèrent, pendant lesquelles elle songea qu'il était peut-être déjà dans une relation avec une femme ou encore mieux un homme et que peu désireux de le ou la tromper il avait préféré s'abstenir de venir... bien évidemment il y avait aussi une explication plus simple, il avait été boire et avait du décuver (ou tenter au moins) pendant le reste de la nuit.
...Il valait peut-être mieux pour sa santé mentale qu'elle ignore ce à quoi il était occupé hier...

Renatta bu un peu de son thé et sourit plus chaleureusement.

- Mais passons, je peux au moins constater que vous soustraire à vos rendez-vous n'est pas une de vos habitudes puisque que vous êtes venu à celui-ci et ce de très bonne heure. Vous commencez déjà à vous rattraper, ajouta-t-elle pour le rassurer. Même si il y aurait bien une ou deux choses qui pourrait éventuellement vous racheter complètement à mes yeux, dit-elle sur un ton qu'elle espérait détaché. Comme par exemple organiser vous même notre prochaine rencontre.

Elle instaura une pause en dégustant sa collation et en commandant un nouveau thé. Ses yeux se posèrent sur lui ; ne cachant pas le fait qu'elle l'observait, la jeune demoiselle tentait de percer l'aura de mystère , de noblesse certainement qui semblait imposer une distance entre eux. Rena soupira, elle n'arriverait peut-être jamais à se faire d'ami parmi les nobles à ce train là.

- Considérez cela comme étant une chance de m'épater et qui sait, peut-être même de vous différencier - en bien - de vos rivaux. Enfin, si vous êtes disposé à me revoir, dit-elle en rougissant légèrement. Je m'en voudrais de vous imposer ma présence... Je sais combien il est dur de côtoyer des personnes avec qui on ne partage rien.

Elle se risqua à sourire pour atténuer la dure réalité de ses paroles mais le résultat ne fut guère satisfaisant et ne fit que renforcer la tension qu'elle venait de réinstaurer. L'unique solution qui se présentait pour changer l'ambiance était un changement de sujet.

- Si ce n'est pas indiscret, avez-vous un travail ?

Il ne lui restait plus qu'à prier pour qu'il ne soit pas un de ses fils de riches qui ne faisaient rien de leur vie et vivaient aux crochets de leur très noble famille.


[Voila... J'espère que cela ne te déçoit pas trop >.<. Ah et oui Renatta parle beaucoup, désolée =_="]
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