Sujet: Re: • Un peu d’air, juste une question de survie. ♥ Sam 5 Nov - 17:41
La journée avait été trop belle pour laisser passer une telle opportunité. C'était le temps parfait pour chercher des truflettes à pois mauves, et en bonne native de Chardonnade, Sky raffolait de celles-ci. Elles étaient d'autant plus délicates au goût qu'elles étaient difficiles à trouver, et nombre de fées avaient été absorbées par l'Absurde Forêt au cours de leur quête. Mais la fée était, pour une fois, sûre d'elle. Les écouteurs enfoncés dans ses oreilles laissaient exploser la musique des derniers tubes de MKM - Malkins Musik était la station la plus écoutée du pays, et en ce moment même ils diffusaient la dernière création de Maestro. Ainsi, ailes déployées derrière elle et yeux à l'affut de la moindre truflette, Sky esquissait quelques pas de danse et esquivait en riant doucement les avances de quelque Crocarbre trop enhardi.
Une pirouette, quelques pas de bourrée, une arabesque éphémère tandis qu'elle ramassait une truflette et la plaçait dans la besace en chanvrebois qui pendait à son côté, et la fée déployait de nouveaux ses ailes pour se rendre vers de nouveaux horizons.
Trois heures durant elle erra de la sorte, volant de lieu en lieu, soulevant délicatement quelques racines pour mieux accéder aux truflettes, et dansant quelques pas plus loin lorsque les Crocarbres devenaient trop insistants. Prise dans la musique, la traque, et l'influence de la forêt, la légiste ne se rendit compte que trop tard que le Crocarbre qu'elle venait d'esquiver l'avait menée droit dans les branches d'un second, plus imposant et, si son écorce était une quelconque indication, plus vieux et potentiellement plus violent.
Dans le mauvais sens du terme. Comme toutes les fées, Sky avait grandi en entendant les histoires de monstres noueux et cruels, se dissimulant dans l'Absurde Forêt et guettant les fées imprudentes pour les dévorer - lorsqu'elles étaient chanceuses. Les autres étaient absorbées par les monstres, pendant partiellement hors de l'écorce, nourries de baies et de sève jusqu'au moment où elles donnaient naissance à un nouveau monstre dont l'aspect - chêne, bouleau, saule pleureur, simple roseau ou arrogant baobab réglissant se prétendant roi de la Forêt - serait déterminé par les émotions de la fée ainsi changée en couveuse végétale. On disait même que certaines venaient à aimer leur situation, et que c'était d'elles qu'étaient nés les baobabs réglissants.
La fée ignorait si ces rumeurs, qu'elle avait toujours considérées comme la version féérique du monstre du placard, étaient vraies. Mais, lorsqu'elle sentit la branche épaisse et rugueuse enlacer sa taille et une de ses cuisses, elle pria de toutes ses forces pour être simplement dévorée.
Lorsque le tronc se déforma, prenant la forme d'une immense bouche aux dents gâtées et à l'haleine de bûche moisie, Sky força son corps à ne pas prendre sa forme favorite. Si sa bouche tombait maintenant, elle ne la retrouverait pas avant... bien, elle ne la retrouverait peut-être jamais. Elle lutta de même contre la panique montante, alors même qu'elle tombait et glissait dans le tronc, ses cheveux neigeux assombris et collés par la sève, ses paupières étroitement fermées, ses membres recroquevillés contre elle en position foetale maintenant que nulle branche ne tentait de la peloter.
La Punition impliquait peut-être de collectionner les amants, mais Sky avait une règle des plus strictes : fées, humains et sorciers uniquement ! Que les animaux et plantes retournent à leurs vidéos et magazines !
Un cri de surprise échappa à la fée lorsqu'elle atterrit sur quelque chose de chaud et mou, son second réflexe étant de se ruer le plus loin possible de cette chose-personne qui pouvait aussi bien vouloir offrir Sky comme poule pondeuse à sa place que l'offrir en repas que simplement être, elle aussi, prise au piège dans l'arbre désormais immobile. Le troisième réflexe de la fée, constatant que le tronc ne se contractait pas plus avant et que la chose-personne n'avait pas encore bougé, fut de se redresser pour évaluer de ses mains l'espace disponible.
Trois mètres de circonférence. Elle ne savait pas exactement combien d'oxygène cela signifiait qu'elles avaient à leur disposition - un des avantages à être dans un espace clos et sombre est qu'on ne peut que trébucher, détail qui lui avait permis de découvrir qu'elle était piégée avec une autre représentante de son sexe ( elle lui avait, accidentellement, écrasé un sein, et s'était profusément excusée, ne s'agenouillant pas pour supplier d'être pardonnée simplement par manque de place et crainte de faire une autre gaffe ) - mais elle savait que ce ne serait probablement pas assez.
Et elle était coincée avec une fille. Si encore ç'avait été un homme, elle aurait pu le séduire et avoir une séance de sexe endiablée avant de mourir d'asphyxie, rendue encore plus agréable par le manque d'oxygène - apparemment, le manque d'air augmentait l'intensité de l'orgasme. Et pour une fois, elle n'aurait même pas pensé à la Punition. Juste à prendre son pied.
Peut-être que la fille coincée avec elle était une transgenre qui n'avait pas fini son opération, et qu'elle était encore équipée pour leur donner un orgasme à toutes les deux ?
Sky secoua la tête. Si elle commençait à penser comme ça, elle devait vraiment être au bord de la panique. Elle prit une lente inspiration, laissant l'air reposer un moment dans ses poumons avant d'expirer entre ses dents serrées. Elle devait rester calme. Elle ne devait pas paniquer. Elle ne devait surtout pas imaginer les différentes étapes de l'asphyxie.
Trop tard. La respiration de la fée s'accéléra alors que ses pupilles se dilataient. Le tronc venait de se resserrer autour d'elle et de l'autre femme, faisant basculer la fée dans une crise de panique, qui devenait de plus en plus incontrôlable à mesure qu'elle se rendait compte que paniquer, en accélérant le rythme de sa respiration, faisait diminuer d'autant plus vite leurs réserves d'oxygène.
Si elles voulaient survivre, l'autre fille avait intérêt à trouver un moyen de calmer la légiste. Et vite.
The Rag Doll
Unités d'Interventions Féériques
HUMEUR : Mélancolique CITATION : Ah... I'm sorry, I hope it is okay ?
Sujet: Re: • Un peu d’air, juste une question de survie. ♥ Dim 13 Nov - 12:09
Pour le coup, le délire hystérique de l'autre fille avait tiré la fée de sa crise de panique. Et de sa torpeur semi-naturelle, au passage. Les yeux grands ouverts, la bouche entrouverte, les ailes repliées autour d'elle en une vaine protection, la légiste fixait la femme aux cheveux noirs, se sentant vaguement ahurie. Et inquiète. Parce que si se trouver coincée dans un Crocarbre n'avait pas fait partie de ses projets, si se trouver coincée avec une fille était encore plus irritant, se trouver coincée avec une sorcière qu'elle reconnaissait comme une danseuse du Golden Snail était suffisant pour briser la carapace de verre derrière laquelle vivait la fée. Cette fille aux cheveux aussi noirs que les siens étaient blancs était une sorcière, rivale des fées pour une raison qui ne lui avait jamais été expliquée et qu'elle n'avait donc jamais cherchée à connaître, mais qu'elle venait en cet instant-même de découvrir. Les sorcières étaient des emmerdeuses finies, voilà ! Sans manières, sans modestie, sans le moindre modicum de politesse et élégance. Des créatures vulgaires qui se prétendaient aussi belles que les fées légères et leur en voulait de leur charme naturel quand, elles, elles avaient la chance de pouvoir vivre au milieu des humains, distinguées d'eux seulement par leur beauté !
Et celle-là, cette sorcière-là qui lui donnait des leçons, avait en plus le culot d'être une danseuse ! Une danseuse, une vraie ! Peu importait le type de danse, elle pouvait en vivre, être adulée pour son talent, être félicitée pour ses efforts et enviée pour ses réussites, quand Sky ne connaissait plus que les longues heures d'exercices, de solos, d'improvisations et de pas de deux solitaires dans son ballet ! Quand les gestes dont la beauté aurait dû être amplifié par la multitude du corps de ballet n'étaient plus exécutés que par elle ! Quand, chaque jour, elle enfermait ses pieds dans des talons vertigineux pour retrouver l'espace d'un instant la sensation des pointes, et remerciait le ciel que sa forme d'automate au visage sans expression dissimule la douleur de ses pieds à la plante et aux talons déchiquetés par l'effort ! Quand plus personne ne la verrait danser, ignorante de tout ce qui n'était pas la musique de Maestro, un instant dans les airs portée seulement par les bras de Scimitar, l'autre à terre enlacée par les mains calleuses et longues de Rusted.
Elle la Haïssait, pour oser être tout ce que Sky n'était plus. Le Crocarbre avait indéniablement mal choisi son repas, quand il avait avalé ces deux-là. Miroir l'une de l'autre, une brisée, l'autre entière, les mêmes comportements poussés par des raisonnements inverses, elles ne pourraient que s'entretuer ou trouver le moyen de réellement se refléter, chacune trouvant dans l'autre ce qui lui manquait. En ce moment, la première option était la plus probable, alors même que les yeux de Sky s'obscurcissaient, passant d'un gris neigeux à un gris d'orage semblable à la tempête d'émotions qui commençait à la secouer, repoussant toute appréhension qu'elle aurait pu avoir quant à sa situation, si peu enviable fut-elle. Cette fille, cette sorcière, l'accusait sur de fausses bases. Elle gaspillait l'air, son existence même était un gaspillage d'air, et elle osait reprocher à Sky d'exister ! La voix de la légiste claqua comme un coup de fouet, apparemment nullement perturbée par le fait que quelques instants, la sorcière tentait de l'étrangler, et qu'en ce moment même elles pataugeaient dans l'eau.
_ Je suis parfaitement consciente de l'inutilité de mon existence, et n'ai nul besoin de me voir rappeler ce fait par une sorcière en manque de vanité. Quant à notre oxygène, votre petite tirade en a gaspillé plus que ma présence seule. Faites silence, comme je ferai silence, jusqu'à ce qu'une solution viable à notre situation soit trouvée. Et nom d'une grenouille frite, cessez de m'étrangler. L'effort pousse vos muscles à consommer plus d'oxygène encore.
Sky était en colère, dans une de ses rares colères où elle devait plus glaciale, plus neigeuse et distante que n'était normal pour elle. Se détournant de la sorcière dans un geste parfaitement dédaigneux, la fée déplia ses ailes et les secoua nonchalamment, consciente que cela ne ferait qu'irriter davantage la sorcière et rendre son contrôle plus ténu. Elle aurait pu virer automate, mais cette femme toujours possédée par la Danse venait de lui en faire passer l'envie. Qu'elles asphyxient donc. Sky s'en lavait les mains, et le reste avec.
Jusqu'à ce que, s'étant penchée et ayant bu un peu de l'eau qui s'enroulait autour de leurs pieds, elle en reconnaisse le goût. Sa colère se ranima, dégelant la fée et tournant l'entièreté de son ire contre le Crocarbre. Elle connaissait le goût de cette eau parce qu'elle venait de la source de la sorcière de la Tour ! Oh que non ! Ca n'allait pas se passer comme ça, cette chose n'allait pas s'approcher davantage de la Tour, il ne serait pas dit que Sky aurait une dette envers celle dont le caractère était aussi épineux que son nom !
Demi-tour, bûche de Noël ! Demi-tour, ou je jure sur toutes les fées que ton espèce a bouffé et usé pour maintenir son nombre que je trouve le moyen d'avertir le prochain Baobab Réglissant qu'un vulgaire Saule Geigneur dans ton genre s'est octroyé une fée et une sorcière de notre stature pour repas ! Eloignes-toi de cette source avant que je ne trouve le moyen de convaincre un Baobab Réglissant, Seigneur des Crocarbres, de te réduire en débris d'allumettes !!!
Apparemment, le Saule Geigneur avait étanché sa soif, ou la menace de Sky ponctuée de coups de pieds dans une des fentes de l'écorce avait plus que fonctionné. Geignant à mi-voix tout du long, et soufflant bruyamment, leur dérobant l'oxygène qu'il leur apportait presque aussitôt qu'il leur parvenait, le Crocarbre fit demi-tour.
La noyade venait d'être évitée. Mais elles n'étaient toujours pas sorties de là, et la colère de Sky se maintenait difficilement à un niveau assez élevé pour l'empêcher de redevenir la Poupée de Chiffons qu'elle était normalement.
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