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La Vérité se trouve au fond du Verre

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MessageSujet: La Vérité se trouve au fond du Verre La Vérité se trouve au fond du Verre EmptyDim 26 Sep - 15:38

Les ténèbres commençaient à dévorer le ciel. Il se faisait tard. Bientôt la lune sera haute. Le soleil, quant à lui, avait déjà disparu derrière les hauts bâtiments de la ville. La nuit n’allait pas tarder à tomber, les honnêtes gens, eux, iraient se cloîtrer dans leur demeure tandis que les criminels allaient enfin faire leur sortir. Axel était de ceux là ce soir. Il lui restait un peu de drogue à passer, des clients à trouver et surtout des informations à récolter. D’ailleurs, ces derniers temps, la jeune femme était un peu sur les nerfs. Elle n’avait pas eu une seule information digne de ce nom à se mettre sous la dent. Les traqueurs commençaient à appliquer sur elle une certaine pression afin qu’elle se montre efficace. Elle devait faire ses preuves sous peine de retourner en prison. L’évocation même de se lieu lui tirait toujours un sentiment amer. Les joues de la jeune femme se creusèrent lorsqu’elle crispa les mâchoires. Elle n’était pas spécialement de bonne humeur. A dire vrai, comment pouvait-elle profiter de l’instant présent alors que sa liberté était chaque jour remise en doute ? Elle devait se battre pour la conserver. Il était toujours très difficile de jouer un rôle aussi compliqué que le sien, même pour une comédienne aussi talentueuse que l’était Axel. Elle devait se montrer naturelle parmi ses compagnons du crime tout en cherchant à exploiter leur moindre faiblesse pour des inspecteurs incompétents. Il était clair que si les traqueurs savaient un peu mieux faire leur travail, la jeune femme n’aurait pas à jouer l’indic’ pour eux. De plus, ils avaient décidé de la lancer sur une piste particulièrement hasardeuse et dangereuse : les Epouvanteurs.

Ces hommes portaient bien cette appellation. A côté d’eux, Axel passait pour une enfant de cœur. Elle n’était qu’une petite criminelle. Il était donc difficile pour elle d’infiltrer leur rang ou même de trouver quelques informations les concernant. Malgré tous les crimes que pouvaient commettre ses hommes, ils savaient se montrer discrets. Leur entourage était soigneusement constitué de telle sorte qu’aucune information n’aille se perdre en des chemins aventureux. Et le but d’Axel, dans tout ça, était justement de dénicher ses informations et d’approcher cet entourage impénétrable. Autant dire qu’un travail pareil l’incombait d’un pénible fardeau. La jeune femme était tellement sur les nerfs qu’il lui arrivait de s’énerver contre le premier venu pour une pacotille. Elle n’avait jamais été d’un tempérament calme et posé mais, ces derniers temps, elle se montrait encore plus terrible. Et R, cette vicieuse personnalité, l’avait compris. Elle cherchait la moindre faiblesse pour se manifester, écraser Axel et prendre le dessus. La jeune femme peinait à contenir cette dangereuse personnalité et ce, même malgré l’apposition de la Muselière.

Les mains profondément enfoncées dans les poches de sa veste, Axel marchait, l’air sombre. Les sourcils froncés, elle ne semblait pas d’humeur particulièrement joyeuse. Ce soir, elle n’avait pas envie d’aller à l’encontre des autres. Elle ne voulait voir personne. La jeune femme aurait préféré rester cloitrer dans sa sombre humeur et errer mélancoliquement dans les ruelles de Woollyland. Cependant, le devoir l’appelait à faire tout le contraire. Il lui fallait aller à l’encontre des autres criminels, chercher de véritables informations à se mettre sous la dent et peut-être même un petit travail qui pourrait l’aider à arrondir les fins de mois. Axel avait beau continuer à passer de la drogue, ces derniers temps annonçaient la disette. Pour le lui rappeler, son estomac se mit d’ailleurs à grogner sévèrement. La jeune femme serra les poings dans ses poches et tenta d’oublier la douleur qui lui tiraillait les entrailles. De toute façon, même s’il elle avait pu, elle ne devait pas manger. Elle avait encore quelques sachets de drogues coincés dans son estomac. Avaler quelque chose aurait bien pu être fatal ou aurait même pour effet d’éveiller R. Autant dire qu’elle n’avait pas intérêt à manger.

Axel contempla un moment le ciel pour tenter d’y apercevoir quelques étoiles. Elle poussa un profond soupir. Il était encore trop tôt pour fréquenter les coins les plus sombres de la ville. A cette heure-ci, les honnêtes gens étaient encore de sortie. Il fallait attendre encore un peu pour que les premiers chats noirs fassent leur apparition. En attendant, Axel pouvait toujours chercher à se délester de la drogue qui traînait dans son estomac. Elle consulta le chronomètre de sa montre au bracelet bariolé. Cela faisait déjà quatre heures qu’elle avait avalé la drogue. Il était temps qu’elle s’en débarrasse. La jeune femme n’avait eu aucun mal à changer de territoire et avait atterri à Woollyland sans encombre. Un dealer devait l’attendre dans une taverne du coin pour qu’elle lui refile la drogue. Evidemment, cette passe et ce voyage n’était qu’un prétexte pour infiltrer le réseau criminel du coin et soutirer quelques informations intéressantes. Les traqueurs chargés de son cas l’avait gentiment invitée à se rendre en ce lieu par ses propres moyens. Les inspecteurs étaient toujours assez fiers de se vanter d’avoir des indics’ un peu partout mais ils ne se vantent jamais que ces derniers trainent dans la misère et la pauvreté. A chaque fois qu’Axel leur demandait un peu d’argent pour la dépanner, ils lui répondaient que ce n’était pas leurs affaires. En attendant, ils étaient toujours contents quand elle venait leur parler des affaires des autres.

Amère, la jeune femme obliqua soudainement sur la droite. Elle venait de repérer une ruelle qui ferait l’affaire. Elle s’y enfonça sans aucune hésitation. Tous les sens aux aguets, elle vérifia plusieurs fois qu’elle était seule. Axel repéra ensuite un coin où s’amoncelaient des poubelles éventrées et diverses ordures. Elle posa sa sacoche non loin d’elle avant de s’appuyer sur le mur d’en face, légèrement courbée au dessus des immondices. L’odeur nauséabonde parvint alors à ses narines et provoqua en elle un haut le cœur. Quelques secondes plus tard, elle se trouvait en train de cracher tripe et boyaux tout en se tenant l’estomac. La jeune femme s’appuyait difficilement sur le mur pour ne pas tomber à genoux. Au bout d’une minute, elle parvint enfin à extirper un long filament sur lequel était attachée une ribambelle de petits sachets. Quelques uns d’entre eux étaient d’ailleurs sacrément rongés. Axel poussa un juron. A ce rythme là, elle aurait bien pu finir avec quelques grammes en trop dans le sang, allongée par terre en train de faire une overdose. Il s’en était fallu de quelques minutes. La jeune femme avait bien mal calculé son coup. En temps normal, elle disposait largement de cinq heures pour transporter autant de drogue. Cependant, son humeur exécrable et la tension emmagasiné par son travail d’indic’ avait un peu trop accéléré la digestion.

La jeune femme se redressa avec difficulté avant de fouiller dans son sac. Elle en extirpa une petite poche plastique et des mouchoirs. Elle s’essuya le visage, jeta le mouchoir dans l’amas d’immondices avant de ranger soigneusement les petits sachets dans la poche. Axel la fourra ensuite dans son sac. A cette heure-ci, la flicaille n’irait pas la fouiller. De toute façon, au pire, il la mettrait en garde à vue avant de la laisser ressortir quelques heures plus tard, une fois qu’il en aurait reçu l’ordre de ses supérieurs. Pour le moment, elle était intouchable. Axel devait bien avouer que cela avait ses avantages. Elle n’avait pas spécialement besoin de se méfier. Elle se sentait déchargée d’un certain poids. Les inspecteurs expliquaient alors qu’ils la laissaient tranquille afin qu’elle puisse accomplir sa véritable tâche correctement. Il ne s’agissait que d’un bien pour un mal. Cependant, étant d’humeur plutôt optimiste en général, la jeune femme tentait de tirer le meilleur de la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle avait pleinement conscience de tous les soucis qui l’accablaient mais elle essayait tant bien que mal de les oublier temporairement. Seulement, ce soir, elle ne se sentait pas d’humeur à feindre la joie de vivre. Elle avait plutôt envie de frapper ou d’agresser le premier venu afin de décharger sur lui toute sa haine, sa rancœur et sa peur. Oui, elle avait peur. La jeune femme n’avait pas eu peur depuis bien longtemps. Il s’agissait d’un sentiment si peu familier pour elle qu’il en devenait encore plus effrayant. Axel se sentait légèrement perdue.

Cela faisait un moment qu’Axel s’était enfoncée dans la ruelle. Elle était restée encore quelques minutes, le dos appuyé contre le mur. Elle contemplait les poubelles éventrées et les comparait avec amertume au genre humain. Ce dernier n’était qu’un tas de déchets à ses yeux. Et, évidemment, elle en faisait parti. Elle était tout aussi pourrie que le reste de ce monde. Il n’y avait rien à sauver. L’espoir était mort à la naissance de l’Homme. Pandore s’était trompée, il ne restait pas d’espoir dans sa boite. Maussade, Axel cracha au sol afin d’effacer l’amertume qui emplissait sa bouche. Elle fouilla dans son sac et en sortit un bonbon acidulé qu’elle s’empressa d’avaler. A nouveau, elle leva les yeux au ciel. Elle distinguait un bout de la voûte céleste entre les bâtiments qui cernaient la ruelle. Les premières étoiles venaient de faire leur timide apparition. Elle lui rendait son regard morne, gardiennes d’un autre monde. Finalement, la jeune femme trouva la motivation de quitter cette pestilentielle ruelle. Lorsqu’elle déboucha sur une avenue plus fréquentée, elle poussa un profond soupir avant de se fondre dans la foule éparse. Les gens discutaient devant les bars. Ils avaient fini de manger depuis bien longtemps mais leur verre ne semblait pas vouloir se vider. Ils restaient là, hagards, à chercher des réponses parmi les délires de leur ébriété.

L’idée de boire un verre traversa soudainement l’esprit de la jeune femme. Elle n’avait pas eu l’occasion d’en boire depuis bien longtemps. Ses mains vinrent alors se perdre dans le fond de ses poches. Elle n’avait plus un sou. Cependant, elle avait bien envie de boire un verre. Axel avisa une taverne au coin de la rue. La lumière chaleureuse qu’elle émanait attira son regard. Quelques éclats de voix s’en échappèrent. Elle semblait plutôt animée. Axel était d’humeur trop massacrante pour aller se fondre dans une masse aussi grouillante de monde, néanmoins, elle était sûre de pouvoir trouver un pigeon pour lui payer un coup à boire. Elle n’aurait qu’à lui adresser quelques regards faussement timides, un ou deux sourires charmeurs et il lui offrirait bien un verre. Ayant retrouvé sa détermination, la jeune femme entra dans la taverne d’un pas décidé. Elle fit un rapide tour de la salle du regard avant de se diriger vers une extrémité du bar. Elle avisa un tabouret vide non loin d’un homme et s’y installa tranquillement. Axel fouilla ensuite dans son sac pour en extirper une cigarette rescapée. Elle s’apprêtait à chercher son briquet lorsqu’elle coula un regard sur sa gauche. L'homme qui se tenait à côté d'elle se trouvait être plus séduisant qu'elle ne l'avait pensé. Il s'agissait d'un beau brun, ténébreux et à l’air assez avenant…bref, un potentiel pigeon. Elle lui adressa un sourire timide avant de lui demander sur une voix douce, légèrement hésitante.

- Ca ne vous dérange pas si je fume ?
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MessageSujet: Re: La Vérité se trouve au fond du Verre La Vérité se trouve au fond du Verre EmptyDim 26 Sep - 21:18

Un des nombreux plaisirs que James Hook avait découvert, savourant d'une façon toute paradoxale son âge avancé et sa maturité tant haïe, était celui de boire de l'alcool. Bien sûr, pendant son enfance farouche, il lui était bien souvent arrivé de voler quelques bouteilles à son père, se faufilant dans sa cave, afin d'y dérober un peu de cette hydromel tentateur, qui prenait toute son importance de par la prohibition qui l'entourait. Le liquide avait alors le goût délicieux de l'interdit, de l'insolence pleinement assumée. Il lui brûlait la gorge, réchauffait sa langue, et envoûtait ses sens. Mais la saveur, tantôt sucrée, corsée ou fruitée, échappait tristement à ses papilles inexpérimentées et immatures. Il se gorgeait de whisky, ou de rhum, jusqu'à ce que son esprit se perde, et qu'il oublie un instant le monde, la vie, tout, pour se vautrer avec bonheur dans l'étourdissement qui engluait ses pensées.
Mais il était alors jeune, vif, insouciant. Tout perdait son sens, et tout était pourtant tellement évident. Il savait tout, tout en ne sachant rien. Plus il était jeune, et plus la prétention peignait son visage encore pubère d'orgueil. Et chaque gorgée interdite le gargarisait plus encore, le rendait plus fier que jamais. Il avait bu, lui, à qui on interdisait une telle chose. Mais il avait bu sans même en comprendre le vrai délice.
L'âge avait apporté son lot de savoir. Notamment celui de distinguer, entre mille, chaque gorgée, chaque goût, chaque couleur. Et alors, l'alcool prenait tout son sens.
Il appréciait aussi tout particulièrement les cigares, la musique classique. Tant de choses qui, il y a si longtemps, plissaient son petit nez d'enfant, et faisaient sortir de sa bouche juvénile un « pouah » adorablement naïf.

Mais ce soir, le liquide ambré qui ondulait au fond de son verre, dansant avec les reflets de la lumière qui illuminait la triste taverne, avait des allures de rivière macabre. Une triste imitation du Styx, sans doute, qui pensait qu'en se parant d'or elle tromperait l'ennemi. Mais James M. Hook n'était pas dupe, et ses yeux dardaient le whisky, en silence. Son crochet, posé sur le bar miteux, tapait lentement le bois rongé et couvert de poussière, comme une horloge frappant, imperturbable, les minutes qui passent.
Tap. Tap. Tap. Tap....
Et le whisky, trompeur, semblait presque lui sourire.
Sa gorge était sèche, et son humeur massacrante. Un nouvelle journée inutile venait de se terminer, et le rapprochait inexorablement d'une fin contre laquelle il courait à en perdre haleine. Mais cela était inutile. Le temps était bien plus rapide que lui, et même avec toute la force du monde, il ne pourrait rattraper sa course calme et interminable.
Le temps était éternel, et lui, malgré la pâle copie d'immortalité que tentait son existence si longue, il savait bien que, contrairement aux aiguilles de la vie, il finirait un jour par s'éteindre. Et sa chair pourrirait. Et les vers viendraient ronger son cadavre putride.

En bref, James était, ce soir, aussi nostalgique que la lune immaculée qui tentait de vaincre les ténèbres opaques qui avaient englouti la ville, de leurs gueules béantes et cruelles. Le petit point lumineux, qu'il apercevait de loin à travers une des fenêtres de la taverne, était minuscule. Et pourtant, elle brillait avec une énergie féroce et sublime. Un soupir épuisé franchit ses lèvres fines, et il attrapa son verre. Que le Styx le noie, s'il l'ose.
Il n'osa pas.
L'alcool coula dans sa gorge avec une lenteur toute sensuelle, réchauffant son corps peu à peu. La lune était belle, il devait bien l'avouer.

Autour de lui, les gens fumaient, parlaient fort, et les visages semblaient presque flous. Il ne les regardait pas, n'en voyait pas l'intérêt. Cette toile terne et laide, qui s'étalait sous ses yeux, était aussi dénuée de sens que les séances de beuveries immondes auxquelles s'adonnaient les membres de son équipage. A présent, James ne voyait pas pourquoi il faudrait boire jusqu'à en perdre l'esprit. Et ces hommes, soûls, vulgaires et grivois, étaient de très mauvais ton.

Mais soit, la nuit n'était pas si hideuse qu'il le pensait, et il décrocha son regard méprisant de la taverne, pour le plonger dans la lune surréaliste et splendide. Un sourire, presque triste, et si rare, courba sa bouche, et il avala de nouveau une gorgée de Whisky.
Cette lune, ronde, et douce, aussi blanche que le ciel était noir, et qui continuait de briller avec une persévérance presque pathétique, lui donnait à la fois l'envie de rire et de pleurer. Elle avait quelque chose d'attendrissant, à tenter de briser des ténèbres cruels et avides, qui venaient engloutir le ciel.
Le plus amusant était de constater que, minuscule face à l'immensité obscure, elle parvenait à luire avec beauté, dégageant une poésie toute nostalgique.
C'était un enfant. Un gamin perdu dans une marée d'encre fétide et qui pourtant, contrairement à l'enfant que lui, avait été, réussissait à exister, encore, et toujours. C'était une immortelle, constamment jeune, intarissable, brillant encore et toujours, splendide, presque insolente.

La main de Hook restait en suspens, tenant solidement le verre épais et rudement ciselé.

Insolente jeunesse. Une chevelure de feu vint s'imprimer à son esprit, un rire narquois résonna à ses oreilles.

Le verre heurta le bois dans un bruit brutal et sec. Les doigts, crispés, blanchissaient peu à peu. Le whisky s'était renversé, et coulait lentement sur sa peau brune. Semblable à de l'ambre liquide, il brilla quelques temps, puis, d'un geste vif, le Capitaine envoya les quelques gouttes d'alcool loin de lui.
Pan. La même rancœur tenace et amère plongeait son cœur dans un abîme de colère sans fond. Il regarda un instant le fond de son verre, à présent vide, et en commanda froidement un autre.
Plaisir d'adulte, promesse de mort, enrobé dans une jolie couleur et un goût divin. Hook n'était pas dupe. Il était vieux. Il buvait, petit à petit, avalant lentement, laissant les saveurs envahir son palais.
Avant, c'était avec un appétit un peu idiot, qu'il buvait d'énormes rasades, jusqu'à ce qu'il doive s'appuyer aux murs pour ne pas tomber. Les gifles de son géniteur avaient alors le goût délicieux de la victoire. Bien sûr, il n'avait pas fallu long avant qu'il ne se plie aux désirs de celui-ci, devenant un modèle de politesse et d'amabilité. Mais la nuit, avec une agilité dont il était fier, il parvenait à subtiliser quelques bouteilles, et, lorsqu'il pouvait en boire le contenu avec une charmante pucelle trop naïve pour flairer le piège, il avait l'agréable sensation de faire à son père l'affront le plus immonde, et par conséquent le plus splendide.
Des temps lointains, rendus flous par les embruns violents de la mer et l'étrange dureté de la vie indépendante, et qui pourtant restaient si présents, en lui. Son rire hautain, insupportablement effronté, et baigné de jeunesse, son corps souple et agile, qui était encore diaphane, et ses deux mains, encore présentes.

L'unique rescapée, tendue et nerveuse, pianotait le bar avec agacement. Il détestait lorsque sa mémoire venait ainsi envahir ses pensées, pareille à des vagues impétueuses, roulant sous de fortes bourrasques de vent. Dans ces moments-là, les odeurs, les bruits, les sensations, tout revenait, d'une façon si réelle qu'elle en était douloureuse. Il avait l'impression que sa peau était soudain moins marquée par cet ennemi mortel qu'était le temps. Mais soudain, il sentait sur son poignet le poids affreux de son cruel crochet, et le rêve se brisait douloureusement.

Mais il avait l'habitude, et, une fois encore, il dû regarder le fantasme onirique éclater en mille morceau. La lune semblait affreuse, et il se plongea dans l'observation des rainures qui roulaient sur le bois, se tordant et se mêlant en une danse torturée.

La porte de la taverne s'ouvrit dans un grincement aussi sordide que le lieu, et James Hook jeta furtivement un regard vers le nouveau venu.
Qui était manifestement, une nouvelle venue, à en juger par la silhouette fine et svelte, et le torse délicieusement galbé, laissant ainsi deviner une poitrine des plus féminines.

Ses grands yeux bleus balayèrent la salle, et accrochèrent, ceux, de la même teinte, du capitaine. Un sourire en coin étira ses lèvres, et il abandonna un instant le regard de la jeune femme.
Jeune femme qui s'approcha de lui. Il se retourna avec lenteur, observant son visage fin, son nez droit et sa bouche pleine qui semblait inviter aux baisers.

James M. Hook, aimait, plus encore qu'on bon whisky, faire une charmante rencontre. Et il semblait que sa soirée mélancolique et profondément sombre, ait soudain des promesses de tentations charnelles et de soupirs lascifs. Il l'observa du coin de l'œil s'assoir à ses côtés avec nonchalance, et sortir de son sac une cigarette. Lorsqu'elle se mit à parler, il remarqua les hésitations amusantes qui vibrait dans sa voix douce et délicate :

-Ca ne vous dérange pas si je fume ?

Un sourire charmeur vint étirer la bouche fine et délicatement dessinée, et il répondit, avec une indolence toute sensuelle, que non, cela ne le dérangeait absolument pas. Il eut été hypocrite de prétendre le contraire, sachant que le Capitaine avait un amour tout particulier pour les Cigares, qu'il fumait à longueur de journée, observant la fumée langoureuse s'envoler en de lourdes volutes.
Il sortit d'ailleurs un cigare, et, après l'avoir distraitement allumé, la fumée s'échappa de sa bouche entrouverte avec une lenteur hypnotique.

Il resta silencieux quelques instants, savourant le goût âpre s'épanouissant contre son palais, puis, il se tourna de nouveau vers la jeune femme, et, délicieusement séducteur, demanda :

-Et puis-je savoir votre nom, mademoiselle ?

Après tout, si la lune n'était pas assez belle pour qu'il s'y plonge ce soir, il se contenterait des bras tendres et pâles d'une belle inconnue.
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MessageSujet: Re: La Vérité se trouve au fond du Verre La Vérité se trouve au fond du Verre EmptySam 9 Oct - 21:55

La réponse fut brève, accompagné d’un acquiescement. Axel ferma les yeux, le temps de glisser une cigarette et de l’allumer rapidement. Elle inspira profondément, sentant les effluves de tabacs emplir sa bouche, titiller son palais puis descendre lentement dans sa gorge. Une part infime de mort l’envahissait avec douceur. On racontait à tout va que la cigarette tuait, lentement et provoquant d’atroces douleurs. La jeune femme, quant à elle, s’en fichait éperdument. De la douleur, elle en avait éprouvé. La mort, elle l’avait côtoyé. A dire vrai, l’alcool et le tabac restaient, désormais, les seules drogues qui lui étaient encore autorisées. Les seuls poisons qu’elle pouvait encore consommer avec légèreté. Les autres drogues, celles qu’elle avait tant côtoyées par le passé, lui demeuraient interdites. Et tout ceci à cause d’une personnalité, infime et pourtant si présente, coriace et indélogeable. Cette voix qui venait gronder doucement à son oreille et qui profitait de la moindre faiblesse pour se manifester, prendre le dessus et effacer Axel. Alors, elle devenait R, cet être qui n’était autre qu’un amas de haine, d’animosité et de bestialité. Elle était tout ce que méprisait la jeune femme : la violence. Elle était l’Homme sans contrainte social, prêt à tuer son prochain pour subsister à ses propres besoin. Elle représentait l’échec social de ce siècle. Elle représentait le combat perdu d’avance contre cette nature violente, obscure qui étreignait l’Homme.

Axel finit par expirer, lentement. Quelques volutes de fumées s’échappèrent de ses narines. Elle entrouvrit les lèvres et d’autres filets brumeux apparaissent. Cigarette à la main, yeux mi-clos, elle forma un rond parfais avec ses lèvres. Un claquement de mâchoire, un seul, et un rond de fumée vint s’échapper de ses lèvres trop rouges pour un teint trop pâle. La jeune femme se décida alors à ouvrir complètement ses yeux cernés. Son teint terne témoignait d’une fatigue depuis trop longtemps accumulée. Depuis combien de temps n’avait-elle pas dormi ? Elle ne saurait le dire. Insomniaque, Axel ne comptait plus les heures où elle restait éveillée mais plutôt les rares heures où son esprit s’endormait. Ces moments là, elle les craignait par-dessus tout. Elle n’avait plus d’emprise sur son corps. Elle pouvait mourir à tout instant sans en avoir conscience. Et puis, surtout, R pouvait se manifester. Cependant, hélas, plus la jeune femme accumulait la fatigue et plus R pouvait facilement prendre le contrôle de son corps. Elle était prise en étau entre deux peurs viscérales. Elle ne pouvait trouver la paix. Le calme, la jeune femme ne savait plus vraiment ce que signifiait ce mot. Elle était incapable de se sentir sereine, apaisée. Son esprit n’avait de cesse de venir se heurter à des murs de questions, interrogations, doutes et autres peurs. Jamais elle ne pouvait demeurer tranquille. Il en était ainsi et ce, bien avant qu’elle ne devienne indic’. Cette récente affectation n’avait eu pour effet que d’aggraver son état et de la plonger plus sûrement vers un degré de folie empiré.

Un regard en coin lui permit de détecter l’origine de l’âcre odeur qui venait chatouiller ses narines. L’homme à côté d’elle, à la peau basanée semblable à l’ambre du liquide alcoolisé qu’il buvait, venait d’allumer un cigare. N’était-ce pas une façon de lui témoigner une certaine approche ? Ainsi, ils faisaient de même. En entrant dans cette taverne, Axel n’avait pas eu envie de discuter avec un être. Elle l’aurait sans doute fait par intérêt, contre son gré, afin de pouvoir boire un verre ou deux. Cependant, l’inconnu qui se tenait à ses côtés l’intriguait. Était-ce l’expression nostalgique qui tirait ses traits ou bien l’étrange crochet qui remplaçait sa main qui l’attirait de la sorte et la poussait à percer le mystère ? Axel était bien trop curieuse. Elle n’arrivait à aller aux devants de ses penchants. Inlassablement, elle venait toujours à s’intéresser de trop près et poser trop de question. C’était bien à cause de ce penchant qu’elle s’était retrouvée au tribunal, face à cette ribambelle de perruques poudrées et de robes austères. C’est alors que l’inconnu vint rompre le silence pesant qui entourait les deux jeunes gens. D’une voix grave et pénétrante, il vint lui demander son identité. Erreur fatale. Question fatidique. Même son véritable nom, elle l’ignorait. Il y a de ça quelques années, la jeune femme aurait répondu sans hésitation, affirmant son identité. A présent, elle ne savait plus vraiment qui elle était. Était-elle toujours Axel ou une jeune femme atteinte d’une schizophrénie bien étrange ? N’était-elle tout simplement pas une dérangée partageant son corps avec R ? Et puis, était-elle toujours la célèbre Passeuse ou une vulgaire indic prise dans les mailles du gouvernement ? Il s’agissait là d’une question bien difficile à éclairer. Pourquoi donc cet homme avait eu l’idée de la lui poser ? L’espace d’un instant, Axel maudit cet inconnu. Elle aurait préféré que jamais il ne vienne à s’intéresser à elle. Sans doute aurait-il du l’ignorer, ainsi, il n’aurait pas eu la maladresse de la placer dans une position aussi indélicate.

La jeune femme n’avait absolument aucune envie d’inventer un nouveau mensonge. Elle en avait assez d’échafauder de nouvelles identités et d’endosser des rôles plus complexes et farfelus les uns que les autres. Ce soir, elle désirait faire simple. Et quoi de plus simple dans un mensonge que d’y glisser une part de vérité ? Elle n’y paraîtrait que plus sincère, excellente comédienne, crédible à souhait. Ainsi, Axel posait sa main à plat sur le bois du bar, sa cigarette coincée entre deux phalanges. Elle se tourna de trois quart, ne dissimulant qu’une partie de son visage. Ainsi, elle pouvait détailler à son aide l’homme qui l’intriguait autant et qui la troublait par sa question. Axel plissa les yeux, hésitante. Son esprit hurlait à tout va afin de trouver la réponse idéale. Un millier de réplique défila sous ses yeux avant de sélectionner la bonne. Elle entrouvrit les lèvres. Un mince sourire les étira puis, elle lui répondit dans un souffle, l’air mélancolique. Le Spleen.

- A dire vrai, cette nuit, je ne sais pas vraiment qui je suis…

Sa voix se suspendit dans les airs, le silence retomba, doucement. La jeune avait l’impression qu’il n’existait plus que cet homme et elle dans cette taverne, accoudés à ce bar. Elle saisit son regard. Elle le voyait bien, il était pendu à ses lèvres à la recherche d’une possible suite. Ainsi donc, il désirait connaître son nom. Axel en avait arboré des centaines mais ce soir, elle ne voulait être qu’un rôle précis, le plus complexe et le plus véritable de tous.

- Cependant, les gens s’accordent à me nommer The Midnight Joker.

Une étincelle, fugace, éclaira alors son regard d’azur. En d’autres circonstances, Axel aurait aimé s’y perdre. Cependant, elle était en train d’endosser une identité bien trop importante pour se laisser distraire par ce genre de détails. Elle venait de percevoir l’intérêt dans les yeux de son interlocuteur. Son amorce avait fonctionné, elle l’avait intrigué par le mystère qu’elle laissait planer sur elle. Axel se retint de se mordre les lèvres, légèrement excitée par la tournure que prenaient les évènements. Elle adorait saisir ce moment imperceptible et éphémère où elle venait à prendre le contrôle de son interlocuteur. Elle le sentait prêt à poser une question afin d’en savoir plus à son propos. Néanmoins, elle ne lui en laisserait pas le temps. Elle devait prendre les devant et implanter une bonne fois pour toute le décor.

- Mais je conçois qu’il est plus simple de m’appeler Joke.

Ainsi donc, ce soir, elle était l’être de farce et de mystère. L’insaisissable spectre de la nuit. N’était-il pas intriguant et attirant de passer une nuit en compagnie d’une ombre ? Un mouvement importun vint alors détourner l’attention de la jeune femme. Le barman, qui se trouvait tantôt affairer à servir quelques ivrognes plus loin, se tenait en face d’elle, de l’autre côté de bar. Un verre et un torchon en main, il l’invitait du regard à commander. Elle ne pouvait rester ainsi à fumer et discuter sans consommer. Le patron avait l’œil pour repérer les intrus. Elle ne devait pas se faire remarquer, pas maintenant. Axel n’avait pas un sou en poche, cependant, elle devait commander. Elle ne parut pas s’en inquiéter outre mesure. Confiante, elle calculait déjà plusieurs alternatives possibles. Les deux plus probables étaient les suivantes : soit elle s’arrangeait avec talent pour se faire offrir un verre, soit elle finirait par causer un délit de grivèlerie et s’esquiver en hâte du coin. Évidemment, la première solution paraissait la plus agréable à ses yeux. Ainsi, elle n’avait plus qu’à ruser et faire preuve de ses capacités. En attendant, elle emprunta un air hésitant. Elle faisait passer ainsi son silence par une simple question d’hésitation : elle ignorait ce qu’elle allait pouvoir commander. Sentant le patron s’impatienter, elle coula un regard vers l’homme avec qui elle venait d’engager la conversation. Ce dernier avait opté pour un liquide aussi ambré que son teint. Elle reconnut immédiatement un whisky. Son choix s’arrêta alors sur ce coûteux alcool réservé aux ivrognes ou aux riches. Généralement les deux allaient de pairs. Axel désigna alors une bouteille de whisky posée sur une étagère, derrière l’épaule droite du barman. Ce dernier acquiesça et s’affaira aussitôt à son travail. Axel reposa alors son attention sur l’homme au crochet. Il s’agissait là d’ailleurs d’un bien curieux détail. Elle ne connaissait que peu d’hommes ayant décidé de remplacer une main manquante par un tel instrument. Qui pouvait-il bien être ?

- Et puis-je connaître le vôtre en retour ?
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La Vérité se trouve au fond du Verre

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