UNE HISTOIRE DE MAUVAIS CHOIX.Daisy Bearsfear est très vite passée de « bambin adoré » à « orpheline délaissée ».
Oh non. Même si vous avez le cœur fragile et la larme facile, ne sortez pas votre paquet de mouchoirs. A moins d’être un Saint(e), son histoire ne vous donnera guère envie de mouiller vos joues. Pour être émouvante, une héroïne se doit d’avoir une beauté douce, une intelligence vive et une fin heureuse. Et voilà, Daisy est certes belle mais dans un genre assez vulgaire. Formes bien rondes, courbes plus sensuelles que gracieuses, mèches plus blondes que le soleil. Ajoutons à ce physique de catin une cervelle de pouple. Réactions retardées, humour décalé et prétention en pacotille sont au rendez-vous.
De plus, pour l’instant, il n’y a pas l’ombre d’une fin heureuse pour elle.
Mais reprenons notre récit.
Ainsi donc, Daisy Bearsfear était une orpheline digne des méchants contes de fées. A peine eut-elle la force d’arpenter les ruelles de Wonderland seule que les bonnes âmes qui s’étaient auparavant occupées d’elle, en souvenir de l’adorable couple qu’étaient ses parents, la jetèrent sans préavis, avec quelques sous et des guenilles. Pas franchement génial comme début, me direz-vous. Sauf qu'elle était aussi stupide que déterminée. A quoi ? Nul ne le savait.
Notre blondinette n’est pas de ces personnes qui évoluent au fil du temps et elle est restée et restera toujours la même, tant que sa vie ne connaitra pas de rebondissements euphoriques et de relations rocambolesques. Dès son jeune âge, n’importe qui pouvait remarquer que si elle manquait de logique et de vivacité d’esprit, elle était dotée d’une obstination tout à fait féminine et particulièrement dure à briser. Plus têtue qu’une fée, il est rare qu’elle n’atteigne pas les objectifs qu’elle se fixe. Réalistes, bien entendu.
***
Le clapotis incessant de ses petits pieds frappant les pavés de Wonderland. Tac, tac, tac. Elle court, elle court, comme une petite souris chassée par un chat noir. Elle est amusante, surtout, dans sa combinaison noire et ses boucles lourdes maladroitement attachées.
Boucle d’Or qui s’enfuit de la maison des Ours après avoir fait honneur à sa gourmandise.
Elle n’avait pas vraiment le choix. Elle n’avait jamais eu le choix. Quelle idée. Elle n’aurait pas su quoi choisir. Le destin a toujours pris la peine de faire en sorte qu’elle n’ait qu’un chemin à suivre, qu’une sortie à fixer.
Elle était très jeune. Elle était stupide. Elle avait faim, soif, envie d’un lit, d’un toit, de quelque chose. Et la seule chose qui lui vint à l’esprit était de profiter de la richesse des autres. Pourquoi pas ? Un peu d’organisation, beaucoup de concentration et le tour était joué ! Les rares personnages qui portaient leur attention frivole sur elle essayaient parfois de la raisonner :
« Bête comme tu es, tu te ferais vite attraper ! Cesse donc ce banditisme trivial et trouve-toi un métier plus… approprié. »
Et ces grands yeux bleus se remplissaient de colère. Arrogante créature. Elle préférait vivre avec la peur de passer cent ans dans la prison de Samarcande que de plier sous les sarcasmes. Du moins… C’est ce qu’elle aimait dire, avec une voix de miel. Aussi forte que creuse.
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Le plan était toujours simple.
Le plan était toujours pareil.
Tout d’abord, trouver la demeure à cambrioler. Pas de systèmes compliqués, pas de sécurité grandiose. Elle connaissait ses limites. C’est une demoiselle très consciencieuse qui ne mettait aucun détail de côté. Elle pensait à tout à l’avance, préparait des plans B, des sorties de secours. Elle avait presque l’air intelligente quand elle étudiait de loin ses victimes. Sauf que voilà : Sur le terrain, Daisy ne valait rien. Rien du tout. Elle oubliait souvent où se trouvait la pièce maitresse, mettait du temps à se remémorer le plan préparé, et surtout, elle avait l’incroyable et absurde habitude d’oublier les bornes de son don !
Car voilà, pour entrer dans toutes les pièces, elle se servait de sa capacité à agrandir les objets. Elle rendait les serrures assez immenses pour s’y faufiler en toute tranquillité, imprimant ses empreintes digitales avec une euphorie ahurissante. Et bien sûr, rares étaient les fois où elle se souvenait de les effacer.
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«
- Tu ne comptes toujours pas arrêter ? Ca fait déjà trois semaines !- Pourquoi le ferais-je ? Ca marche bien, je m’habitue et je suis certaine que la police ne m’arrêtera pas de si tôt.- Ca, c’est toi qui le dis, ma jolie. »
Et Daisy ravalait sa fierté. Qu’avaient-ils tous à la traiter comme une attardée ? Certes, elle ne serait jamais aussi effrayante que Big Bad Wolf, mais elle comptait bien gravir les marches de la hiérarchie et avoir une jolie prime à vanter ! Et pourquoi non ? Elle arrivait de mieux en mieux à soutirer des informations en usant de ses galbes généreuses.
Alors que quelques années plus tôt, elle hurlait de colère à chaque fois qu’on lui parlait de choisir ce métier plutôt que sa pseudo-carrière de voleuse. Car, comme vous le devinerez, personne ne croyait à une quelconque prime et tout le monde savait d’avance que dans peu de temps, la longue chevelure ensoleillée connaitrait bien des souffrances.
***
«
Vous êtes au courant ?-
De quoi ?-
La p’tite blonde, ils l’ont attrapée !-
Tu m’étonnes… On la verra pas avant cent ans, alors.-
J’ai hâte de voir sa tête. Parait’ que la prison, ça peut donner quelques neurones en plus ! »
***
Elle avait peur. Normal. Ils lui avaient dit qu’elle risquait de passer le restant de ses jours à Samarcande ! Elle avait pensé à s’enfuir. Elle attirerait leur attention et ferait grandir cette table immonde. Elle s’occuperait de cette horrible serrure, de cette porte qui l’enfermait. Elle trouverait une astuce. Mais au moins, elle serait libre !
Ah. Non. Tu oublies quelque chose d’important, Boucles d’Or.
Tu es menottée. Enfermée. Prisonnière.
Mais il était apparu. Il l’avait sauvée, arrivant comme le prince charmant sur un beau cheval blanc. Métaphore ridicule qui s’évapora au fil du temps pour laisser place à une profonde reconnaissance et une confiance acquise en quelques mots.
On la libéra, pour l’enfermer dans une autre cage.
Quelle importance ! Elle ne gravirait pas les marches en tant que brigande mais comme traqueuse ! Où était la différence ? Pour elle, il n’y en avait aucune. Ou presque.
***
Quand on travaille seule, on évite beaucoup de désagréments.
Le supérieur imbu de sa personne.
Les camarades usant de moqueries dégoulinantes de stupidité.
Mais elle le supportait bien.
Dans la mesure du possible, comme on dit.
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«
Hey, Goldy, tu sais ce qu’est une blonde avec un cerveau ? »
Elle se retourne, sourcils froncés, joues rosées, lèvres pincées.
«
Une espèce en voie de disparition ! »
Un torrent de rires gras suivant sa marche agacée, elle s’enfuit.
Elle n’était pas maline. Même son charme physique perdait de son importance face à aussi peu de vivacité d’esprit et de logique. Elle subissait, grognait parfois, ne mordait jamais. Dans le pire des cas, Goldilocks était… mignonne.
***
Personne n’avait une grande estime pour Daisy. Elle avait déjà une petite réputation liée à ses trois semaines de banditisme raté et jusque là, elle n’avait jamais fait preuve d’une motivation réellement plaisante. Elle acceptait les missions, les réussissait tant bien que mal mais jamais quelque chose de spécial. On lui laissait les cas faciles, les situations ennuyantes et dites-vous bien que malgré ça, il lui arrivait de rendre les choses comiques !
Un jour qu’elle suivait un de ces gamins faisant du petit vol à l’étalage, elle le perdit de vue et ne retrouva son chemin que bien des heures après ! D’un autre côté, elle ne connaissait pas encore les ruelles de Candyland.
Elle ne connaissait pas encore les noirceurs de Malkins.
***
Allongée sur son lit, ses mèches dorées entremêlées, ses joues rosies par une jubilation douceâtre, elle pétillait de joie. Dans sa petite robe de chambre bleue, elle avait l’air enfantine, innocente, inoffensive. Dire que ses formes pulpeuses ne l’étaient pas le moins du monde. De longues jambes, une taille fine, une poitrine généreuse, une peau parfaite. Daisy savait entretenir ses atouts. Sans pourtant être un exemple à suivre.
Elle était d’une gourmandise luxuriante, digne d’une petite fille gâtée. Elle résistait mal aux gâteaux sucrés, aux pâtisseries crémeuses, aux discours mielleux et aux attaques lentes. Elle résistait mal aux sentiments, ni plus ni moins.
Elle serra son oreiller contre elle, laissant échapper un petit sourire bienheureux.
Demain, Puss in Boots serait de nouveau là.
***
Elle sortit du bureau, l’air indifférent. On venait de la muter, et elle ne comprenait pas bien s’il s’agissait d’une promotion ou d’un simple éloignement. C’est sûr que courir derrière les chauffards, dans les rues de Wonderland n’était pas un travail très… excitant. Au pire, elle rentrerait de mauvaise humeur. Tss.
«
- Blondie, c’est vrai qu’ils t’ont mutée à la Circulation ?- Et ?- Ne fais pas cette tête ! On voulait juste te dire de faire attention. On sait que les blondes ont du mal avec les balais policiers. C’est toi qui risque de te faire écraser ! »Imbéciles.
La majorité était pourtant bien plus mal lotie qu’elle ! Ca ne valait même pas la peine qu’elle craigne leur humeur déplorable et leur humour grossier.
Elle savait instinctivement qui craindre, qui éviter mais cet instinct ne l’amenait nulle part. Une tête brûlée adorant se jeter dans la gueule du loup, avec une frayeur vite dévorée par une envie d’être importante. D’être reconnue.
« Un jour, aucun d’entre eux n’osera se moquer de moi. Un jour. »Mais quand ?
On se le demande !